Rebondir après un licenciement ne commence ni avec un CV ni avec une candidature.
Le mouvement débute bien avant, à un endroit invisible : celui où l’on reste encore attaché à ce qui n’est plus.
Le badge a été rendu, les au revoir prononcés, le solde de tout compte signé… pourtant, à l’intérieur, quelque chose demeure ouvert.
On avance sans vraiment avancer.
On parle d’avenir, mais une part de soi regarde toujours la porte qui s’est refermée.
C’est souvent là que tout se joue : dans cet entre-deux silencieux où l’on ne travaille plus, sans être encore prêt à tourner la page.
Après la rupture
Un licenciement, même lorsqu’il est attendu ou bien négocié, provoque toujours une rupture.
Ce n’est pas seulement la perte d’un statut ou d’un salaire : c’est une place qu’on laisse derrière soi.
Les habitudes disparaissent, les collègues s’éloignent, le rythme quotidien s’efface.
Pendant des années, la journée commençait en sachant où aller.
Du jour au lendemain, chaque matin devient une question : Et maintenant ?
Ce vide dépasse la logistique.
Il touche à l’identité.
Une partie de soi s’était construite autour d’un rôle, d’un bureau, d’un badge, d’une signature au bas d’un e-mail.
Et soudain, tout cela s’effondre.
Ne reste alors qu’un espace flou, difficile à habiter.
Rebondir autrement
Le mot “rebondir” sonne parfois trop fort.
Comme s’il fallait repartir tout de suite, mécaniquement, par simple volonté.
Pourtant, le vrai frein n’est pas le manque d’énergie, mais l’attachement.
On veut tourner la page, mais le cœur, lui, avance plus lentement que le contrat.
Rebondir ne signifie pas oublier.
C’est accepter de laisser le passé là où il est : important, précieux peut-être, mais désormais derrière soi.
Quand le passé retient
Certaines personnes sentent tout de suite qu’elles n’avancent plus.
D’autres pensent l’avoir fait, mais quelque chose en elles reste figé.
Ces signes sont discrets et pourtant bien présents :
Rejouer sans cesse la scène de la rupture, les mots, les silences, les regards.
Attendre une réparation : un message, une explication, une reconnaissance.
Revivre les si : Si j’avais refusé… si j’avais réagi autrement…
Mettre à jour son CV sans y croire vraiment.
Ressentir colère ou nostalgie : deux émotions opposées qui traduisent la même chose — le passé prend encore toute la place.
Ces réactions ne sont pas des faiblesses.
Elles montrent simplement qu’une histoire n’est pas terminée à l’intérieur.
Ce qui libère
On ne passe pas au futur par la force.
La transition se fait en comprenant ce qui retient encore.
Souvent, cela commence par quelques gestes simples :
Nommer ce qui a été perdu : pas seulement un emploi, mais une place, une reconnaissance, un rythme, une utilité.
Accueillir les émotions : colère, tristesse, fatigue, honte. Les ignorer ne les efface pas, les reconnaître les apaise.
Chercher du soutien : pas pour être sauvé, mais pour ne pas traverser seul. Cela peut venir d’un coach, d’un avocat, d’un groupe ou d’un proche.
Retrouver ce qui compte : ce qu’on veut préserver, refuser, découvrir, ou ce qui redonne de l’énergie.
Esquisser une direction : non pas un plan parfait, mais une étoile intérieure, une phrase qui dit simplement : C’est vers là que je veux aller.
Ce processus ne s’apprend pas dans les livres.
Il se vit.
Il ne demande pas de force, mais de sincérité.
L’histoire de Marion
Marion a 43 ans.
Pendant dix ans, elle a travaillé dans la même entreprise.
Elle aimait son poste, sa routine, ses collègues.
Rien ne laissait présager un départ.
Un matin, la direction du siège a décidé autrement. Son poste disparaissait.
Les jours suivants ont été flous : choc, nuits hachées, questions sans réponse.
Puis il a fallu gérer l’administratif : contacter un avocat, comprendre ses droits, vérifier les indemnités, rassembler les documents.
Sur le papier, tout était réglé.
Mais à l’intérieur, rien n’était apaisé.
Pendant neuf mois, elle a revécu la scène de son entretien de licenciement.
Toujours la même question : Pourquoi moi ?
Les nuits étaient courtes, les pensées insistantes.
Elle en parlait beaucoup, puis plus du tout.
Aucun projet ne la motivait.
Elle refusait qu’on lui dise quoi faire.
L’entreprise n’existait plus dans sa vie, mais encore dans sa tête.
Un jour d’hiver, sur le conseil de son coach, Marion a rejoint un lieu dédié à ces passages de vie.
Un stage pour apprendre à laisser le passé derrière soi, afin de pouvoir habiter l’avenir.
Rien de magique.
Mais quelque chose s’est déplacé.
Elle a appris à refermer un chapitre sans se renier, et à en ouvrir un autre sans se perdre.
Rien n’a changé du jour au lendemain.
Ce n’était ni spectaculaire ni rapide.
Pourtant, un mouvement intérieur s’est remis en marche.
Peu à peu, elle a compris ce qu’elle ne voulait plus, ce qui lui faisait du bien.
Sa manière de parler d’elle a changé : elle ne se définissait plus par son ancien poste, mais par ce qu’elle souhaitait désormais apporter.
Quelques mois plus tard, elle a accepté une nouvelle offre.
Pas la plus prestigieuse, mais celle qui lui ressemblait.
Elle a retrouvé des collègues, un rythme, du travail… et du temps pour vivre.
Un an après, elle résume simplement :
“Je n’ai pas oublié. Mais je ne suis plus à cet endroit.”
Et après ?
Rebondir après un licenciement ne veut pas dire courir vers un nouveau poste.
C’est d’abord se remettre debout à l’intérieur.
Accepter qu’une étape est terminée.
Se donner le droit de recommencer.
On ne choisit pas toujours la fin d’un chapitre.
Mais on peut choisir de ne pas y rester enfermé.
Et parfois, le futur commence par une phrase toute simple :
“Je crois que je suis prêt·e pour la suite.”